Institut Marcel Liebman

Faut-il pénaliser les négationnismes ? – Débat contradictoire

Débat contradictoire – 19 décembre 2006 :  « Faut-il pénaliser les négationnismes ? » (co-organisé par L’Institut Marcel Liebman, La Revue Politique, L’Union des Progressistes Juifs de Belgique)

Avec:

Olivier Corten, Professeur à l’ULB ;
Edouard Delruelle, Professeur à l’ULG ;
Ahmed Insel, Professeur à l’Université de Galatasaray et à l’Université Paris I ;
Pieter Lagrou, Professeur à l’ULB ;
François Roelants du Vivier, Sénateur.

Un DVD reprenant l’essentiel de ce débat a été édité par nos soins et vous sera envoyé à votre demande pour un montant de 7 Euros (+ frais de  port). Pour toute commande écrire à institut.liebman@ulb.ac.be.

Le génocide des Juifs et des Tsiganes mis en oeuvre par les Nazis a non seulement marqué de manière indélébile l’histoire du vingtième siècle, mais aussi celle de l’humanité.

L’indignation combien justifiée contre ceux qui prétendent que les chambres à gaz n’auraient jamais existé, que la solution finale ne serait qu’une expulsion massive des Juifs et que le nombre des victimes aurait été exagéré, a fait naître une volonté de pénaliser la négation du génocide.

La France a emprunté cette voie en 1990. La loi Gayssot, qui avait pour objet de réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe comportait également un article pénalisant la négation du génocide des Juifs.
Pour sa part, la Belgique sanctionnera également par une loi, en 1995, « la négation, la minimisation, la justification ou l’approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la Seconde Guerre mondiale ».

Par la suite, la démarche suivie vis-à-vis du génocide des Juifs a été étendue à d’autres situations. En France, la négation du génocide des Arméniens (2001) et de la traite de l’esclavage (loi Taubira 2001) a été ajoutée au dispositif législatif. En Belgique, le sénat a adopté en 1997 une résolution reconnaissant le génocide des Arméniens par le régime jeune turc ottoman. A présent, de nombreuses voies s’y élèvent pour demander l’extension de la loi pénalisant la négation de la Shoah aux génocides subis par les Arméniens et les Tutsis.

En opposition à la tendance à la multiplication des lois mémorielles et à l’extension du délit de négationnisme, un contre-courant a fait son apparition. En France, en décembre 2005, 19 historiens ontpris l’initiative d’un appel pour « la liberté de l’histoire » signée par plus de 600 chercheurs. Ce manifeste soutient que « l’histoire n’est pas un objet juridique. Dans un Etat libre, il n’appartient ni au Parlement ni à l’autorité judiciaire de définir la vérité historique ». En conséquence, ces historiens demandaient l’abrogation des articles des lois pénalisant en France la négation du génocide des Juifs, des Arméniens, de la traite de l’esclavage et celle réhabilitant la colonisation française dans les programmes scolaires. En Belgique, 150 chercheurs et enseignants en histoire ont signé un manifeste allant dans le sens de l’appel des 19 historiens français.

Un débat est donc ouvert. La lutte pour la préservation de la mémoire des génocides du passé entraîne-t-elle la nécessité de pénaliser la négation de ces génocides ? Peut-on traiter différemment les génocides subis par les Juifs d’une part et les Arméniens et les Tutsis d’autre part ? Est-il légitime de « judiciariser le passé » en créant le délit de négationnisme ? La pénalisation de la négation des génocides constitue-t-elle un élément indispensable dans une stratégie de prévention de futurs génocides ? Ou, au contraire, ne présente-t-elle pas un risque majeur en ouvrant la voie à l’instrumentalisation politique des vérités historiques ?